Dagblad de Limburger
19 août 1996

Le rêve intangible du Cirque Plume

Raoul van den Booren

Est-ce qu’on peut bien définir au juste ce que Cirque Plume, qui vient de s’installer à Venlo, fait exactement ? Bien sûr, on fait du cirque, comme cette trapéziste par exemple, qui fait des sauts de la mort vertigineux au faîte du chapiteau. Mais il y a aussi de la comédie, comme le numéro du piano d’où sortent des bras qui, tout en palpant la pauvre chanteuse, lui rendent la vie très compliquée. De la danse splendide par la danseuse souple, qui, prisonnière d’une lampe-spot douce, évolue sur scène. Et même du jeu de marionnette, chez la danseuse sur la corde raide qui se laisse guider par un fantôme.
De surprenantes scénettes aussi, telle que la lutte de boxe inattendue au faîte du chapiteau immense. Une originalité fantastique chez la jeune fille qui, en suivant un long métrage de drap monte vers le faîte, pour y plier le tissu par la suite de façon à pouvoir s’y installer tel qu’un foetus dans l’utérus ; ou bien pour y culbuter, un seul pied attrapé dans l’étoffe.

Vous aimeriez voir des prouesses sans pareille ? Vous serez satisfait, puisqu’un cycliste sauvage va abuser du trampoline pour sauter littéralement un groupe de femmes. Les artistes du Cirque Plume se montrent étonnement multidisciplinaires. Ainsi le prestidigitateur, après avoir fait son numéro d’illusionnisme produit avec distanciation , on se déchaîne sur la batterie dans un numéro excitant de musique rock, et le guitariste, tel qu’un vrai Nils
Lofgren, joue de son instrument sur le trampoline.

Et tout cela est apparemment exécuté avec la plus grande nonchalance, en même temps qu’avec une perfection presque non-française. Pas l’odeur de la sciure de bois, mais l’atmosphère d’un théâtre. Et une seule bête, un pauvre chien qui se laisse apprivoiser par quelques scies musicales. L’amateur des moments tendres pourra se pâmer d’admiration en regardant les jeux d’ombres, tel que celui d’une Laterna Magica entre une homme et une femme.

Ce sont des moments baignés d’une lumière exquise, qui balance sur une musique excellente. La représentation de "L’harmonie est-elle municipale ?" a déjà été définie comme un rêve, et tout comme un rêve elle est peu tangible. Au théâtre, au cirque, aux arts, à la comédie : Cirque Plume leur montre à eux tous, de l’inédit. "Ecrivez plutôt une critique "critique", pour que nous aussi en profitions", me demande un des artistes après le spectacle. Mais pour faire cela on aura provisoirement trop de difficultés à se réveiller du rêve qui s’appelle Cirque Plume. Aussi : Tant mieux que tous les spectateurs puissent remporter chez eux les petits coussins distribués à l’entrée du spectacle.