Tribune de Lyon
8 novembre 2011

NOUVEAU CIRQUE

A toiles et à Plume | Tribune de Lyon (presse_adp) {JPEG}A toiles et à Plume

Empruntant le titre de son nouveau spectacle à un tableau de son compatriote bisontin Gustave Courber, la troupe de Bernard Kudlak vient mettre son cirque dans l’histoire de la peinture, et nous amuser au musée…

Ici, la Vénus à son miroir de Vélasquez prenant formes et vie. Là, les étoffes moirées des toiles de Klint habillant des modèles de chair et de sang. Ailleurs, deux espiègles clowns. Pedro et Oui-Oui, réinventant avec un tampon géant enduit de bleu une Anthropométrie à la manière d’Yves Klein. C’est une succession de tableaux - au sens propre, comme au sens badigeonné que le Cirque Plume nous convie à admirer dans cet Atelier du peintre. Deux "papys", Robert et Pierre, font office de guides et de messieurs Loyal bouffons. Quand ils ne posent pas torse nu comme Gabrielle d’Estrées et la duchesse de Villars au bain, les compères se lancent des aphorismes définitifs ("- Je trouve que Rembrandt avait un côté très sombre. - C’est clair !") ou se livrent avec force éclaboussures, à des joutes bariolées. Ces saynètes burlesques, qui déchainent les rires du jeune public - presque autant que lorsque le pauvre Padpo se fait totalement dénuder par les méchants Pedro et Oui-Oui, s’intercalent entre des numéros acrobatiques à la précision vérifiant la réputation horlogère du Doubs.

ŒUVRE COMMUNE
Un spectacle du Cirque Plume est toujours un émerveillement, une fête collective où chacun des quatorze interprètes a droit à son solo et peut exprimer son originalité, qu’il s’agisse de jonglerie virtuose avec jeux d’ombres, de musique tirée d’un bloc de polystyrène expansé, de trampoline en jupette ou de voltige dans une poubelle. Malgré son allure d’inventaire à la Prévert, l’Atelier du peintre se révèle d’une très rigoureuse cohérence et la fantaisie poétique qui traverse chacun de ses tableaux renvoie à celle qui court, sans entrave, dans l’esprit d’un artiste. Plastique, disposée à toutes les expériences, elle peut indifféremment s’exprimer dans une composition musicale, picturale, acrobatique, chorégraphique ou théâtrale, combiner plusieurs disciplines pour offrir au spectateur un plaisir de tous les sens. C’est une œuvre multimédia qui s’exécute en direct à chaque représentation, une toile de maîtres à vingt-huit mains qui s’impose, en plus, le luxe de sortir du cadre.

Vincent Raymond