Télérama n° 2152
10 avril 1991

CHAPEAU À PLUME !

Gérard Pangon

JPEGLeur truc à Plume, c’est la féerie, la poésie, l’humour.
Sur un fil d’acier ou au trapèze, ces saltimbanques au cœur léger réinventent chaque soir le monde. Un vrai bonheur.

LE CIRQUE PLUME : No anima mes anima est présenté à Paris jusqu’au 11 mai au Parc de La Villette (42-09-18-18 ou 42-09-19-19). Les Plume seront ensuite dans la vallée du Rhône (mai-juin), puis en Bretagne (juillet). Le cirque Plume a obtenu le Grand prix national du cirque 1990.

Une plume s’envole vers le ciel et redescend en prenant son temps ; une danseuse, dans le noir, fait les pointes sur un fil de fer éclairé ; une équilibriste valse avec un vélo, un dompteur terrasse un joueur d’hélicon ; une trapéziste ondule à cinq mètres du sol et son ombre, sur la piste, trace des figures magiques : le nouveau spectacle du cirque Plume jongle avec la matière, innove, surprend, séduit, émeut. Tout bonnement, parce qu’à chaque seconde les Plume réinventent le monde, le saupoudrent d’humour, le parent de couleurs, l’enveloppent de magie et de poésie.
Il y a dix ans, chacun dans leur coin, ils galèrent à travers leur Franche-Comté natale. Ils sont étudiants, musiciens, sabotiers, passés par toutes sortes de petits boulots. Mais ils n’ont qu’une passion : le spectacle. Bientôt, ils se rencontrent, se découvrent, s’associent : ils sont neuf à chercher, dans leurs articles, les raisons d’être eux-mêmes. Nous sommes en 1984 ; le cirque Plume est né.
Les Plume commencent des tournées en France, passent au Festival d’Avignon, au Printemps de Bourges et en Tunisie, créent une école de cirque à Besançon, se produisent en Belgique et aux arènes de Lutèce, à Paris. Aujourd’hui, les neuf sont toujours là, et quelques autres avec eux, dans le même esprit. Avec le formidable désir de tout recréer à chacun de leurs spectacles.
S’ils maîtrisent impeccablement leur techniques c’est pour sortir des sentiers battus, faire naître un éclat de rire soudain, sauter quand on ne s’y attend pas, jongler sans en avoir l’air. L’essentiel n’est pas la prouesse, mais le sens qu’elle donne à un spectacle où rien n’est laissé au hasard, où l’on n’imagine pas un instant qu’un numéro puisse en remplacer un autre, ni une quelconque partition, la musique composée pour cette occasion.
Les Plume créent l’espace au fil des minutes, partent d’un point immatériel (la plume qui vole), tracent une ligne (avec le fil de fer lumineux), puis un cercle (avec le vélo) et terminent par un embrasement en trois dimensions.
Plus rien, dans cet espace, ne semble exister, ni te temps, ni la pesanteur, ni la réalité. Tout y est fragile, féerique, fugace et pourtant, paradoxalement, éternel. Car les Plume réveillent et révèlent les images que nous portons en nous, les souvenirs d’un petit matin lumineux, d’un papillon blanc dans le soleil, d’une Gymnopédie d’Erik Satie, d’un Picasso de la période bleue, d’une chanson de Jacques Brel, d’un film de Von Stemberg ou de Tarkovski.
Curieux, direz-vous, pour un cirque. Sans doute. Mais pas pour un spectacle au joli titre évocateur : " No anima mas anima. ". D’animaux, en effet, il n’y a pas - sauf Zipo, le toutou qui chante à contretemps - mais d’esprit, il y a plein. D’année en année, le spectacle des Plume s’épure. Sans jamais perdre leur bonheur de jouer leur goût de la liberté, leur plaisir de partager..."