Fleurs de printemps (extrait n°32 du 16 mars 2004) par Bernard Kudlak

Mardi 16 mars 04.
Avant d’atteindre la partie de la forêt couverte de jonquilles, il nous faut marcher puis monter une côte bleu-paradis, tant les scilles, petites fleurs du printemps, tapissent l’endroit.
Soraya, mon aînée nous montre comment, en touchant simplement les boutons en clochette de cette belle liliacée, cela provoque l’ouverture de la fleur en étoile.
Le jaune et le bleu se marient un peu plus loin. Les jonquilles -dites "campenottes" en Franche-Comté- sont si grandes qu’elles occultent les discrètes étoiles bleues, d’autant moins intéressantes pour les cueilleurs de printemps, que ces dernières ne tiennent pas en bouquet : privées de liberté, elles meurent.
Nous commençons la cueillette des campenottes -ce que la main peut tenir- quand je m’aperçois que ma cadette, Alice, n’est pas avec nous depuis un bon moment.
Je la trouve accroupie en train d’ouvrir une par une chaque fleur de scille. Je lui demande si elle est en train de semer un champ d’étoiles. Elle me répond "Tu sais, quelquefois, un geste suffit à rendre heureux, par exemple, les fleurs, je les aide à grandir !"
Voilà ce qui m’aide à grandir.

Aujourd’hui, le spectacle a bien grandi.
Chaque jour, nous "fixons" une scène, et aujourd’hui c’est tout le début du spectacle qui est en place : les métronomes. Je suis très content de ce travail, il est simple et beau. Et cohérent. Je m’avance, sans aucun doute ! J’espère que vous, pour qui nous créons, partagerez cet avis… En tout cas, je suis très content de ce travail. Voilà.
Et avant de partir au chapiteau, j’ai vu le rouge-queue de mon moulin, arrivé ce matin, le voyageur d’Afrique. C’est le premier des migrateurs à revenir.
Le printemps dehors et sous le chapiteau.
"C’est cool !", dirait Laura…

La Furieuse est couverte de pêcheurs. Le beau temps les fait sortir avant les papillons. La société de pêche a lâché les truites pour l’ouverture de la pêche, dimanche. Comme ça, t’es pas emmerdé par le papier d’emballage du poissonnier.
Pêchez la semaine, mais dimanche, allez voter, c’est tout ce qu’on a pour, contre les terroristes.

Robert (notre Maestro) flippe un peu de n’être pas prêt à temps. Il faut dire qu’il doit composer, répéter les musiques et prendre sa place dans le déroulement du spectacle. C’est beaucoup pour un seul homme.
D’autant qu’il peut arriver qu’une composition arrachée au néant -avec plaisir, mais effort- ne trouve pas la place à laquelle elle était destinée. Coup de stress. Temps perdu ? Que nenni, elle trouvera sa place et Bob, habitué aux miracles, miraculera une fois de plus. Simplement. Hein Robert, c’est comme ça ?!
Toute la musique qui a déjà pris sa place est formidable.

Toute la semaine, j’ai joué sur mon "game boy" (private joke depuis que j’ai un ordinateur) avec le déroulement du spectacle. Et à la fin, il ressemble à ce qu’il était à l’origine de son écriture, avec quelques petites modifications. Je suppose que c’est un signe qu’on est dans la bonne direction…
Aujourd’hui, je sais ce qu’est ce spectacle et je sais ce qu’il sera. Du début à la fin.
C’est un bon début.
À la fin.
Mais je ne peux pas savoir comment il sera.
Subtil, non ?

J’ai fait une enquête.
Une amie me dit que je dis des conneries dans mes carnets (le contraire m’étonnerait certainement) : j’ai écrit que dans une salle de théâtre, il y a d’une part les salariés qui ont payé une partie des répètes sous forme de leur cotisation ASSEDIC allant (entre autres) aux intermittents, et d’autre part les fonctionnaires, les commerçants, les professionnels libéraux et les militaires qui, eux, n’ont rien raqué. Et que les cotisants sont en gros plus nombreux dans la salle que les non-cotisants.
Ma potesse, elle me dit que c’est une connerie, vu que les fonctionnaires (elle est fonctionnaire : moi, je suis pour les fonctionnaires, vu que je suis pour les services publics) payent une contribution de solidarité d’environ 1% de leur salaire.
Je me dis que j’ai écrit pas juste, alors je vérifie. En vrai, je demande à Anne de vérifier (Anne est secrétaire de direction et organise, avec moi pour une partie de son travail, la gestion du casting ainsi que d’autres choses, comme par exemple… la vérification des cotisations des fonctionnaires !) : alors oui, les fonctionnaires payent une part pour ceux qu’ont pas de boulot, mais cette part est spécifiquement affectée au régime de solidarité, géré non pas par l’UNEDIC, mais directement par l’Etat. Ces sommes ne vont donc pas du tout dans la caisse commune, donc pas dans celle des intermittents.
C’était pas une connerie…
Tant que le secteur du spectacle vivant sera financé par les ASSEDIC, une forte partie de ceux qui profitent le plus de ce secteur ne le financeront pas.
"Impôt culture, la fête qui dure !".
Radote pas ! Ça fatigue les gens.

Bon… On va pas faire un concours pour chercher les vraies, de conneries. Je vous laisse le faire, vous êtes assez grands.

J’écris des lettres courtes, j’ai école toute la journée. Et c’est chouette d’avoir école toute la journée quand ça se passe bien.

Profitez bien de l’odeur des jacinthes : elle court partout le soir.

Bises printanières.

Le 16 mars 2004
Bernard Kudlak