La Croix
7 novembre 2005

Jeux d’eau sous chapiteau

CIRQUE . Bernard Kudlak, le fondateur de "Plume" signe un spectacle de poésie pure

Didier Méreuze

Jeux d'eau sous chapiteau | La Croix (presse_plicploc) {JPEG}Il est obsédant le petit bruit de l’eau qui tombe, goutte à goutte, du plafond. Il est délicieux, ce petit bruit quand il règle - et dérègle - l’ordonnancement a priori savamment calculé d’un spectacle, au fur et à mesure que les canalisations se percent. À peine l’une réparée, l’autre fuit. Jusqu’à laisser s’échapper des trombes terribles qui transforment le plateau en plage pour vacances de Monsieur Hulot ! C’est Plic-Ploc, la dernière création du Cirque Plume. Un enchantement !
Un bonheur permanent !
Sous le grand chapiteau de la Villette, le public est à la fête, entraîné par une quinzaine d’artistes qui multiplient les performances comme d’autres font des claquettes sous la pluie : petite contorsionniste qui se love dans une suite d’anneaux suspendus ; jongleur qui s’amuse de ses balles dansant au sommet de jets d’eau comme les notes d’une Gymnopédie d’Erik Satie ; couple qui se balance sur un cadre coréen en accord avec des accents rock inattendus. Des athlètes se mesurent à la bascule, un acrobate se perche sur une échelle...
En ciré, en bleu de travail ou accoutré d’un invraisemblable costume, chacun s’ébroue, au sec ou trempé, de jeux de glissades en jeux d’arrosages à faire blêmir d’envie les chères têtes blondes qui, chez leurs parents, n’ont pas droit à ces amusements !
Plus que jamais, la musique réglée par Robert Miny est présente, jouée en direct par une bande gaillarde de musiciens ou provoquée, en un singulier concert, par les gouttes qui tombent implacablement sur des casseroles. En osmose parfaite avec les numéros qui se succèdent, elle donne ses couleurs aux tableaux, imprègne l’atmosphère qui se dégage des images surréalistes : un champ de métronomes, un parapluie qui s’élève dans les airs, entraînant vers le ciel son propriétaire... La scène se transforme en miroir, à moins qu’elle ne devienne piste de danse pour un singulier ballet de serpillières.
On rêve. On s’amuse aussi quand un duo réinvente à sa manière le couple du clown blanc et de l’Auguste, ou qu’une main, puis une femme s’échappent du cornet d’un tuba. L’absurde est là. L’humour et l’ironie aussi. Mais plus encore la poésie. Chaude, prégnante. Fondé il y a vingt ans par une bande de « cogne-trottoirs » autodidactes (dont Bernard Kudlak, son directeur), le Cirque Plume a conservé sa fraîcheur intacte. La grâce de l’émotion pure.