Le magazine du Cirque et de l’Illusion
1er février 2010

L’atelier du peintre, léger comme une plume...

L'atelier du peintre, léger comme une plume...| Le magazine du Cirque et de l'Illusion (presse_adp) {JPEG}Le Cirque Plume, toute une histoire… Bien que les principaux fondateurs du cirque Plume se soient rencontrés ultérieurement, l’aventure débute en 1984 par une réunion au cours de laquelle Bernard Kudlak " propose de créer un cirque, un projet qui réunirait l’esprit de la fête, la politique, le rêve, les anges vagabonds, le voyage, la poésie, la musique, les corps, dans une envie fraternelle, non violente et populaire, Le Cirque Plume".

Une bonne vingtaine d’années et neuf spectacles plus tard, que reste-t-il de cette jolie folie ? Une intuition, un des piliers du nouveau cirque, un esprit de création collective où chacun apporte ses idées, son brin de folie, et une nouvelle création, " L’atelier du peintre ", que son concepteur présente comme " un voyage dans l’imaginaire de l’artiste ". Aux manettes musicales nous retrouvons un autre membre fondateur, Robert Miny, qui tout au long de ce spectacle nous balade au gré de sa musique jouée en live par la troupe.

Une succession de tableaux...
"L’atelier du peintre" débute avec une reproduction des "Ménines" de Vélasquez, ce tableau est symbolique du spectacle : le tableau est dans le tableau du peintre représenté sur le tableau. Cette mise en abîme pourrait laisser présager un spectacle hermétique et intellectualisant, il n’en est rien, les tableaux et les références se succèdent avec légèreté et poésie, et tous les publics y trouveront leur compte. Tout au long de ce spectacle rythmé et joyeux, les tableaux s’animent ; une odalisque sculpturale s’éveille parmi les anges pour envoûter et kidnapper l’amateur d’art ; une sculpture au cœur fait de tout sauf de pierre s’anime et prend vie pour un duo acrobatique et magique ; le tissu d’une robe s’inspire à la fois de Klimt et des tournesols de Van Gogh tandis que le bleu Klein habille d’un rien une naïade et que le sable et la lumière sculptent des images d’arbres japonisants. Les genres et les époques se croisent pour servir l’aspect esthétique du spectacle.

...et de numéros.
A la virtuosité picturale et musicale, il faut ajouter celle des corps et des numéros qui allient à la fois technique et beauté. Le numéro de tissu aérien de Chelsea O’Brian tout en envolées se fait délicatement, elle est dévoilée successivement par des jeux de tissus légers, de lumières et de fumées. A la fois simple et belle, cette muse inspire peut-être cet artiste maudit interprété par Antoine Nicaud. Ce dernier nous offre un tour de force magistral et enlevé avec son numéro de sangles aériennes.
Céleste toujours, telle un papillon qui butine de fleurs en fleurs, Laura Smith s’envole sur son trampoline dont elle fait naître des pétales de fleurs rouges. Une image magique qui reste longtemps après avoir quitté la salle ! Les acrobaties au sol ne sont pas oubliées avec le duo à la statue, magnifique main à main interprété par Mark Piekio et Laura Smith. Kristina Dniprenko quant à elle nous offre un numéro de roue allemande tout en souplesse, délicatesse et poésie.

Rire et musique...
Les clowns ne sont pas en reste, ils ponctuent et disséminent leur touche de bonne humeur et de fou rire tout au long du spectacle, véritable fil conducteur de ce tableau, les " papys peintres " Robert Miny et Pierre Kudiak éparpillent leur art et leur notion toute personnelle de la peinture ; les outils allant de la truelle au bazooka qui finit par scotcher le maître au tableau, dessinent un univers un peu fou et parfaitement fouillis. Cet humour potache est parfois légèrement long et indigeste, mais parfois il se révèle aussi délicat et poétique comme cet intermède de la petite fleur interprété par Hugues Fellot dit " Pedro ". Tibo Tout Court, alias Oui-Oui est quant à lui un magicien visuel et auditif. Ses balles blanches voltigent dans l’espace et se croisent avec des balles noires, ombres renvoyées par un jeu de miroir, le tableau est complété par une musique live interprétée à la fois parles musiciens mais aussi par Tibo qui découpe des notes musicales grâce à un plancher sonorisé ; le tout se croise et se répond pour construire un tableau magique.

Et au final ?
Le final réunit tout le monde, pour un grand jeu de trampoline, les artistes se croisent dans une structure de métal et de toile, les musiciens règlent le tempo de cette chorégraphie aérienne, le jeu se calme et chacun s’approprie une toile avec plus ou moins de talents : reste pour terminer un tableau hétéroclite de toiles plus ou moins réussies, une sorte de salle de musée conçue par un conservateur fou. C’est assez emblématique de ce spectacle, nous ressortons avec quelques belles images dans la tête, mais avec le sentiment que l’assemblage n’est pas fait. Le prétexte de l’atelier du peintre ne fait pas tout, et laisse un goût d’inachevé...

Agathe Poupeney