Le Parisien
28 septembre 2005

La pluie fait des claquettes au Cirque Plume

Erwan Benezet

La pluie fait des claquettes au Cirque Plume | Le Parisien (presse_plicploc) {JPEG}CHAPITEAU
LES SPECTATEURS ont pris place sous la grande tente. La salle est pleine. Et malgré le brouhaha, plic, ploc, des gouttes d’eau se font entendre en tombant du toit dans une bassine, posée à même la scène. La Villette connaîtrait-elle un problème d’entretien avec ses chapiteaux ? Du personnel s’affaire autour de la fuite. Plic, ploc continuent de faire les gouttes. La décision est prise d’aller voir l’étendue des dégâts. C’est Gisèle qui s’y colle. Nageant dans son bleu de travail, la voici hissée au bout d’une corde. Les spectateurs retiennent leur souffle, comme pour un numéro de trapéziste. Puis sursautent d’effroi lorsqu’elle manque de tomber. Plic, ploc, tout est pour de faux. Le spectacle est déjà commencé...

Ballet aquatique
Il y a cinq ans, le cirque Plume jouait "Mélanges (opéra plume)" à New York. Sous un dur soleil d’été, la ville s’était transformée en fournaise. Planté au milieu des gratte-ciel, le chapiteau avait dû se doter d’un immense dispositif d’air conditionné afin de garder une température convenable. Le président des Etats-Unis venait de refuser de signer le protocole de Kyoto, qui proposait un plan de lutte contre le dérèglement climatique. Sous le chapiteau, la condensation de l’air faisait bientôt naître des gouttes d’eau qui tombaient éparses sur la piste et même dans le public. Pourtant, ce ballet (presque) aquatique venu du ciel s’intégrait petit à petit au spectacle : les artistes improvisaient au milieu des seaux, serpillières, tuyaux et autres ustensiles anti-nondation. Ainsi était né un numéro, puis deux, et bientôt l’idée d’une nouvelle histoire : le futur spectacle intitulé "Plic Ploc" que l’on découvre maintenant...
Aujourd’hui, plus de machinerie compliquée pour lutter contre le réchauffement de la salle. L’été indien, qui embellit ce début d’automne, remplit à merveille ses fonctions. Les gouttes d’eau continuent de pleuvoir mais pour le plus grand plaisir des spectateurs cette fois.
Comme autant de métronomes prêtés par Dame Nature, elles rythment chacun des trente tableaux qui composent la représentation. Ici, une acrobate effectue des cabrioles d’anneau en anneau à plusieurs mètres du sol, telle une Pierrette de la Lune contorsionnist ; là, un orchestre improvise un solo de percussions sur des casseroles (utilisées pour collecter les égouttements). Et Gisèle, à la fois fidèle gardienne des lieux et plombier magique, de veiller à ce que la scène ne se transforme pas en un vaste aquarium. Sinon bien entendu, plic, ploc, tout partirait à vau-l’eau !
Voilà vingt ans que le cirque contemporain Plume nous chatouille le nez de ses ailes. Chacun de ses spectacles donne un peu plus l’envie de s’envoler avec ses funambules. Ça tourne, bondit, virevolte dans tous les sens pour éviter l’averse. Mais tout le monde au final finit par se mouiller. « Plic Ploc » est la goutte d’eau de poésie dans un trop grand océan de monotonie.