La Tribune
9 novembre 1999

Le Cirque Plume ouvre son cabaret poétique

Gwénola DAVID

- Le nouveau spectacle du Cirque Plume est un hymne à la vie.
- Des tableaux musicaux où défilent une galerie de personnages alternent avec des inteludes clownesques et des instants de poésie.

Mélanges des gens, des arts, des techniques, des musiques, des genres... Décidément, le Cirque Plume, pionnier de ce qu’on appelle "le nouveau cirque", réinvente constamment son champ d’investigation et sa palette de talents. Mélanges Opéra Plume, sa dernière création, se vit comme un cabaret poétique, où dans une succession de tableaux musicaux, défile une galerie de personnages cocasses et alternent moments clownesques et instants de pure poésie.
Sur le plateau, une immense machine à jouer sur trois étages qui peut figurer tantôt un immeuble en coupe, avec vue directe dans les appartements, tantôt une série de paliers entre terre et ciel. L’espace scénique se transforme sans cesse par le jeu des lumières, des dépassements de ce curieux pont roulant et des tombées de tentures. Dans ce décor à géométrie variable, on zappe d’un concert de rock improvisé à un quatuor aérien où le contrebassiste s’envole avec ses notes, en passant par des chants symphoniques, un solo de diva et une symphonie de téléphones portables.

Des artistes attachants. Les histoires se croisent, s’entremêlent parfois, sous l’œil médusé, souvent grognon, de "petite perfection", concierge qui balaie tout ce qui passe. L’imagination virevolte au gré des pérégrinations d’un ange SDF (sans dieu fixe), un peu halluciné, qui traverse cet apparent capharnaüm emporté par ses patins à roulettes.

Loulou des banlieues, amoureux transi, fou-marieur, beauf en marcel, rocker raté, musicien complexé, crooner sur le retour ou encore adolescente espiègle, danseuse séductrice : chaque artiste a forgé son personnage, avec ses manies, ses rêves, ses petites faiblesses et ses grands élans. Saisis dans leur secrète timidité, ils n’en sont que plus attachants.
Si la piste a été délaissée au profit d’une scène frontale plus traditionnelle, on retrouve bien sûr tous les éléments basiques du cirque : acrobaties, jonglage, tours de magie, trampoline, clown, trapèze volant, équilibrisme... Mais les numéros ne s’inscrivent pas dans une logique de pure performance. Ils s’intègrent dans une dramaturgie dont ils ne constituent qu’un épisode et tissent la trame du récit. la perfection de l’exécution se teinte toujours d’une pointe d’autodérision.
Ces circassiens impertinents revisitent leurs classiques, telle cette danseuse qui fait chanter le fil sur lequel elle évolue. Et puisent dans tous les genres artistiques : musique, chant, danse contemporaine, hip-hop, claquettes, théâtre d’ombre... il faut dire que tout le monde dans la compagnie est en même temps comédien, musicien et artiste de cirque émérite. Comme le dit si bien Bernard Kudlak, qui a écrit et mis en scène cet opéra tendre et loufoque : "Le spectacle est fait par des vivants pour des vivants : il est joyeux, coloré, profond, poétique, sale, brouillon, précis, il est comme la vie.