Sunday Independent (IRL)
5 October 1997

Nouvelle traduction : Synergie des sexes au cirque

Souvenez-vous de ce que vous croyez être un cirque, puis oubliez tout cela et vous avez le Cirque Plume, cette troupe de "cirque" française au nom alléchant qui marque l’un des temps forts du Festival du théâtre de Dublin.

Pas d’animaux. Pas de piste ronde. Pas même une trace de sciure. A coup sûr, ce n’est pas le genre de cirque dont nous avons l’habitude. Mais patience. Le résultat a de quoi combler toutes les espérances, même si l’on a été déconcerté au départ.

La tente jaune s’ouvre sur un intérieur noir et théâtral. Le spectacle lui-même est une sorte de blitzkrieg sensuel, un galimatias de formes artistiques hors du commun - danse, musique, chanson, mime, comédie, exploits et tours de passe-passe. Le résultat spectaculaire d’une fusion du spectacle de rue et de la musique, savamment sous-tendu par une intrigue élémentaire, au lieu d’être fragmenté en numéros.

Après avoir monté l’escalier jusqu’à la salle principale, on est accueilli par une scène drapée de toile. La lumière s’éteint et sept femmes se réunissent sur le côté de la scène pour bavarder, avant de la traverser. Au bout d’un moment, une bande d’hommes dépenaillés fait son entrée. Ils ressemblent un peu à ces gamins qui se réunissent au coin des rues et dans les pubs irlandais.

Tout au long du spectacle, on explore de manière surprenante la manière dont les sexes s’affectent mutuellement. Les hommes paraissent soumis, lents et maladroits en présence de ces créatures superbes. Les femmes sont séductrices, arrogantes, flirtent et s’affichent sans cesse.

Les hommes explorent également leur côté féminin en revêtant des habits de femmes comiques et dans l’étonnant théâtre d’ombres d’Alexandre Demay. C’est tout simple, mais indescriptible. Ouvrez grand les yeux pour ne pas rater la transition subtile.

Le Cirque Plume, c’est aussi une fête musicale. La musique en est un fil conducteur, et d’après le directeur musical, Robert Miny, "un acteur à part entière". On y trouve des instruments auxquels personne ne pourrait associer un son. Quand avez-vous entendu pour la dernière fois un soubassophone, un tubophone ou une scie à musique ? Quand les avez-vous jamais entendus ? A bien des égards, cette symphonie un peu folle est le clou du spectacle du Cirque Plume et montre bien la diversité des talents de cette troupe.

Tout aussi mémorable est Jacques Schneider, avec ses yeux exophtalmiques, sa barbe flamboyante et le clic-clac de ses sabots. Jacques, c’est le gentil géant vert du Cirque Plume. Tout cela est bien mis en valeur par les sauts dont il fend l’air et ses exploits à vélo sur un trampoline.

Puis il y a Valérie Dubourg, qui grimpe à un rideau, se tord, tournoie, et se balance avec grâce dans les airs. Valérie Garçon est une contorsionniste aux allures de vamp, qui fait des choses extraordinaires de son corps de caoutchouc, transformant même ses bras en jambes qui tournent sur elles-mêmes.

Pour les enfants de parents de l’ère post-robinsonienne (c’est-à-dire que le sexe n’effraie pas), il y a le sketch "Adam et Eve". Les éventuels conservateurs qui pourraient se trouver choqués par l’absence de collants n’ont pas de raison de s’inquiéter. A tout prendre, cela vaut mieux que de regarder des revues pornos en cachette.

"Pour moi, c’est logique, ce n’est pas de la provocation. C’est mon histoire et celle de Valérie. Peut-être cela fait-il du bien de voir un homme et une femme nus," explique Alexandre Demay, un acteur de théâtre d’ombres dont le curriculum vitae quelque

peu hétérogène comprend un séjour chez Fossett’s et une alerte à la bombe à l’Olympia, avant une première apparition en scène au cours d’une émission de télévision en direct.

L’histoire du Cirque Plume remonte au mois de décembre 1983, lorsque neuf comédiens de rue décidèrent de conjuguer leurs talents pour créer un cirque. Depuis ce temps, ils sont devenus une véritable troupe ambulante de plus de 30 personnes et ont acquis une tente de 950 places. A ce jour, la troupe a présenté trois spectacles, qui ont été joués un peu partout en France, aux Pays-Bas et en Belgique. C’est Bernard Kudlak qui donne une définition schématique de chacun des spectacles environ deux ans à l’avance. Ensuite, les artistes conçoivent et réalisent leurs propres numéros sur la musique composée par Robert Miny.

Le Cirque Plume, c’est la terre promise habitée par un échantillon des professions du cirque et du théâtre. Les habitants de la paisible bourgade hollandaise de Leeuwaarden furent enthousiasmés. Une synergie sensuelle, voire sulfureuse, d’une inventivité surréaliste. On y goûte et on adore.